A – La Côte d’Opale

Le cap Gris-Nez

C’est un endroit où se côtoient havre et chaos.
Un promontoire gris comme la cendre sur la peau d’un vieux guerrier. Un guerrier de 160 millions d’années qu’un baume chlorophyllien vient apaiser.

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L’Angleterre que l’on distingue si bien comme ici par temps clair n’est plus qu’à 28 kilomètres… Cette proximité a fait que la plage du cap accueillait les porteurs de dépêches entre le continent européen et le Royaume-Uni tout comme la baraque Fricot, le local où atterrissait côté français le câble sous-marin du télégraphe. Les nageurs traversant le détroit choisissent souvent la plage de la Sirène comme point de départ ou d’arrivée de leur périple.
Jean-Marie Salati, un Italien, soldat de la Grande armée prisonnier des Anglais aurait été le premier à traverser le détroit en 1818 en prenant la fuite. La première traversée officielle date de 1875. Matthew Webb devait justement arriver sur la plage du Griz-nez mais atterrit sur la plage des Baraques à Sangatte, après avoir passé 22 heures dans l’eau.
Plusieurs milliers de nageurs et nageuses prendront leur suite.

Malgré tout, il n’est pas bon d’être aussi près d’Albion, en temps de guerre, surtout.
Audinghen, la commune englobant les 7 kilomètres du cap, a été de ce fait maintes fois dévastée.
Calvaires et clocher singuliers sont ostensiblement dressés, comme pour éloigner le danger.
La muséification de la dernière grande guerre, comparable à celle des plages du débarquement, semble aussi vouloir exercer le même exorcisme.

Havre et chaos. Agrément touristique et paysager d’aujourd’hui, sur une terre de labeur, de guerre et de souffrance passées, voilà ce qu’est le cap Gris-nez.

Les Epaulards piégés par une Sirène

Nous sommes côté calme, au nord du cap, un peu à l’abri de sa pointe. Une petite plage fermant la baie de Wissant permet la mise à l’eau des embarcations. La plage de la Sirène est jonchée de pierres disposées en ellipse. Cette curiosité  s’explique par un anticlinal, autrement dit, un pli géologique en forme de chapeau chinois. Ou d’accent circonflexe si l’on préfère. De la sorte, les strates géologiques plongent à l’oblique, presque verticalement. L’érosion marine, en entamant rapidement les parties les plus meubles, met en exergue les strates de grès polis par les éléments. Ce sont ces rochers que l’on désigne ici sous le nom d’Epaulards, parce que leur forme suggère le dessin de la nageoire dorsale du cétacé en question.

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Le cap Blanc- nez joue à chat avec les rayons du soleil tandis que la mer, jalouse, écume. La Sirène s’est offert un restaurant doté d’une des plus belles vues sur le littoral français. Elle lui a d’ailleurs donné son nom. Les Epaulards accompagnent les « pêcheurs dans la vague ».  Bientôt, les flobarts rentreront…

Gris-nez, beau-nez… Voyons maintenant le haut du nez…

Sur la falaise...

De la plage de la Sirène, un petit chemin monte en serpentant autour de maisons. Au plus haut, nous dépassons alors le niveau de la mer de 45 mètres. Un phare reconstruit dans les années 50 domine le lieu. C’est au pied de ce phare que le Cross Griz-nez, véritable tour de contrôle maritime, veille au trafic de bateaux le plus important du monde. Plus de 500 navires par jour vont croiser dans le détroit.

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Pour la première fois depuis la frontière belge, le chemin côtier vire plein sud, au gré des 7 crans rythmant le dénivelé de la pointe du cap jusqu’à Audresselles. Ces crans sont des entailles creusées dans la falaise par les cours d’eau. En voici quelques-uns…

Le cran barbier

Après les crans de Quette et de Sillers, c’est la troisième entaille que l’on traverse en Partant de la pointe du Cap.

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C’est dans les environs du cran Barbier que l’on aperçoit la Batterie Todt, une des plus grosses installations militaires du mur de l’Atlantique. En contraste, « Notre-Dame des vaches », une petite statuette nichée le long du chemin côtier. 

Le cran aux oeufs

Au loin, de petites maisons de pêcheurs cheminent en cortège jusqu’au pied de la falaise.

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Il fut un temps où il fallait des cordes pour accéder à la plage du cran aux oeufs. Les cordes ont disparu. Un chemin discret permet aux plus téméraires d’y descendre.

Le cran deux oeufs est un théâtre que dominent des boules de grès suspendues tandis que d’autres sont éboulées.

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Le ruisseau coule encore et tombe en une petite cascade. On évolue assez aisément vers le sud, au milieu « d’oeufs cassés ».

Grandiose. Que dire d’autre ?

Le cran Poulet

Autrefois appelé cran de la Rouge Casaque, la plage en bas du cran accueillait une guinguette désormais disparue. Le cran Poulet est surtout connu et fréquenté pour la statue de Notre-Dame des flots, plusieurs fois déplacée et « remontée » sur la falaise à cause de l’avancée de la mer.

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Pèlerinages, petites intentions et simples témoignages du passage de marcheurs s’amoncèlent au pied de la statue.

Aux portes d’Audresselles.

Au bas du cran Mademoiselle et du cran du Noirda, la mer se déchaîne sur les rochers, les disloque, les ronge, les rogne…

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Nous voici arrivés a la Pointe du Poissonnier, en proximité d’un village de pêcheurs, sans doute le plus préservé de la côte d’Opale.

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Son nom : Audresselles.  Prochaine étape !

Renseignements utiles :

• Le site du cap, en son sommet, offre un des meilleurs points de vue sur le cap Blanc-Nez, sur l’Angleterre et le port de Boulogne sur Mer. A marée haute le cap n’offre quasiment jamais d’accès au niveau de la mer, qu’on se contente alors de contempler à partir du parking du restaurant La Sirène. Promenades toujours possibles sur la falaise, en tout cas.
• Pour les amateurs de photos anciennes, une belle page sur Histopale, passe en revue la vie du cap il y a un siècle. En voici aussi de bonnes sur la plage de la Sirène.
• Une page de club de géologie permet de comprendre simplement certains alignements rocheux de la plage de la Sirène grâce à d’intéressants croquis.
• Le site du centre de surveillance trafic maritime le plus important du Monde est ici

 

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Tardinghen et la baie de Wissant

C’est un endroit magnifique en sursis. Car la baie de Wissant est un paysage de dunes, de bois et d’étangs que la mer grignote, aspire, ampute selon les humeurs du temps. Il faut dire qu’en dehors du village la plupart des images montrées ici reflètent des paysages éphémères. Les blockhaus ont déjà disparu. Les coins à champignons à étonner jusqu’aux périgourdins aussi. Et demain, sans doute, ce sera au tour des étangs.
La petite – et adorable – commune de Tardinghen, au centre de la baie, perchée de manière prémonitoire, elle, est en retrait, dans l’attente d’une submersion du marais…

La maison des gens de Terd

La présence humaine dès la période gallo-romaine semble ici attestée. Les saxons – déjà !- envahissent cette côte peu habitée (entre 450 et 600 après JC).  L’appellation du bourg daterait du VII ème siècle. Dites tout haut « Tardinga haim » et vous aurez sans doute prononcé vos premiers mots en langue franque, à la façon de Terd, le germain, qui s’est installé dans le coin avec ses gens pour pratiquer l’agriculture.

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C’est sur la zone actuelle du marais que pouvait se situer le havre wissantais à l’origine d’un port fameux (voir l’article précédent traitant de l’histoire de Wissant). Tardinghen a du profiter de l’essor portuaire de Wissant. Il en a pâti aussi. Les anglais, en ravageant le secteur, on détruit le couvert végétal et bouleversé l’écosystème.

vXeHD Les anglais sont repartis sur la rive d’en face. Mais le havre a été refermé par un cordon dunaire limitant  l’écoulement des eaux terrestres et c’est ainsi que se sont créés la plaine maritime et les marais que l’on connait aujourd’hui.

 L’histoire sans fin 

Deux ruisseaux côtiers entrainent le surplus d’eau des étangs jusqu’à la mer. Mais il faut curer régulièrement ces cours d’eau, car le sable tend à s’y amonceler.  Jusque la Révolution, la question a posé problème : qui, de Wissant ou de Tardinghen, doit prendre la charge de ce travail ? Cette situation n’est pas sans évoquer l’actuel différend divisant plusieurs intercommunalités du Nord sur la question des wateringues.
La nature ne borne pas ses cohérences à la délimitations de nos propriétés et à  nos égoïsmes de clocher. Pour peu que nous ne lui opposons pas notre bêtise elle peut encore s’offrir aux gens intelligents et respectueux.

Du manque de respect, justement…

Pour le coup c’est raté. Il a fallu qu’on tape dans la dune pour construire la cité balnéaire voisine. Les allemands  construisent un peu plus tard, en 43, une ligne de défense à la hauteur du grand potentiel que représente le lieu pour un débarquement réussi au plus près de l’Angleterre. Le couvert végétal a été ravagé par les installations et la fréquentation anthropique.
Ainsi, depuis la fin de la seconde guerre mondiale le processus s’emballe au point de ne plus savoir vraiment à quel phénomène on doit un retrait des côtes de 300 mètres sur 50 ans. Les blockhaus construits dans la dune finissent dans l’eau. La pose de pieux brise-lames par endroits ne semble rien y faire.

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L’effet cocktail est la théorie la plus avancée. L’érosion éolienne est la première mise en cause. Mais l’eau et le jeu trouble des bancs au large de la baie semblent jouer un rôle important dans l’évolution des courants et l’érosion active de l’estran.

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Que faut-il alors faire ? Eh bien on en débat encore et sans argent sur la table.

Face à l’emportement d’une nature qu’il a outragée et dont il comprend mal les équilibres l’homme du XXI éme siècle reste encore démuni, toujours petit. Désespérément petit. Le plus désespérant n’est-il  qu’il ne s’en rend pas compte ?

Prochaine étape : l’ascension du Griz-nez  !

Renseignements utiles :

Il est grand temps d’arpenter les chemins balisés du marais, accessibles à partir de la route départementale (plusieurs parking. La plage du Châtelet et sa voie d’accès enchanteront encore quelques années le marcheur. A ce jour aucun de ces chemins ne présente de grande difficulté.
De Wissant au pied du Griz-nez, compter deux bonnes heures aller-retour. Le franchissement du ruisseau du Châtelet  nécessite des bottes ou de se déchausser. Un pont à l’intérieur de la dune permet de le franchir mais nécessite de ne plus cheminer sur la plage pendant plus d’un km.
• Une page d’ analyse de l’érosion de la baie de Wissant, avec une carte de localisation des dunes d’amont, d’aval, du Châtelet et de la Baraque Friquot.
• Le site des deux caps sur internet
• En savoir plus sur l’histoire du lieu avec Histopale
• Découvrir la faune et la flore du lieu avec le Conservatoire du littoral

Wissant

Château de sable… château de cartes…
Ici, c’est le sable qui bat les cartes.
De sable blanc… La prédestination d’un nom…

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Car Wissant – du néerlandais wit zant –  est une cité dont le destin a sans cesse été mêlé au mouvement d’infimes particules de roche venant, partant, au gré des vents et des courants,  répandant après la gloire, du port majeur d’hier à la cité balnéaire d’aujourd’hui, la même leçon d’humilité.

Un port antique

Au temps où les caps Griz-nez et Blanc-Nez  qui bornent la baie étaient plus avancés dans la mer, un promontoire  imposant partant du Griz-nez vers le nord semblait protéger la localité, constituant un havre naturel propice à l’accueil des navires à quelques coups de rame de l’Angleterre.
Peuplée par les Morins, ancêtres celtes des Ch’tis localisés sur une grande partie de l’actuel Nord-Pas de Calais et sans doute attirés ici par la mer, le site devient  la meilleure place gauloise de trafic avec l’outre-Manche. On spécule que Portus Itius, le port où César aurait fait mouiller son armada et préparé la conquête de la (grande) Bretagne, était établi dans la baie de Wissant. Mais rien ne le prouve vraiment. La mer était vraisemblablement beaucoup moins avancée qu’aujourd’hui, les courants étaient sans doute différents… Si bien que la nature, effaçant toute trace jusqu’aux siennes, à Wissant comme à Gésarium (Boulogne sur mer),  impose le secret face au travail des archéologues et des historiens.

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On sait en revanche que le lieu fut prospère durant tout le Moyen-âge. Les chevaliers, les rois et les saints devaient y séjourner avant ou après avoir gagné l’Angleterre. Si bien que la place fut renommée au point d’être mentionnée dans la Chanson de Roland.  Jusqu’à ce que la guerre avec les anglais mit à sac plusieurs fois la ville, brûlant les maisons et pire, les oyats… Livrant les habitants au sable blanc dont la progression a été appuyée par une succession d’autres événements autant humains que naturels.  Le sable a fini par engloutir le village. Ainsi celui-ci est détruit par le poids du sable sur les charpentes en 1777…

Le charme de l’abandon

Dans la deuxième partie du XIX ème siècle, ce qui n’était plus qu’un petit village de  pauvres pêcheurs cramponné à la baie séduisit un couple de peintres renommés, les Demont-Breton. Ceux-ci y firent construire leur domicile, le fâmeux « Typhonium », flanqué d’un propylone inspiré du temple nubien de Dendour (ci-après). Il invitèrent d’autres artistes.

Les paysages de la baie, les maisons, les personnages locaux, les marins et leurs familles constituaient les principaux sujets artistiques de ce cercle d’amis au sein duquel les Demont-Breton dispensaient des conseils et se réjouissaient en retour des progrès des jeunes artistes.
L’Ecole de Wissant était née, redonnant au lieu une renommée internationale qui ne manqua pas d’attirer investisseurs et estivants, ce d’autant que l’ouverture de la ligne ferroviaire jusque Boulogne permettait depuis peu de gagner facilement la région.

Une station balnéaire tranquille

On construisit une sorte de cité-jardin composée de villas individuelles à destination des bourgeois du Nord, capables de fuir les villes en plein essor industriel. Conçu comme un lieu familial de repos, la construction d’un casino, par exemple, n’y fut jamais autorisée.

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Un siècle plus tard, cette caractéristique est préservée. Grosso modo, la digue longue de plus de 300 mètres invite à la promenade et délimite la plage investie par les baigneurs, tandis qu’au nord, plusieurs dizaines de planchistes pourront rivaliser en prouesse sur l’un des principaux spots de kite-surf d’Europe.

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Wissant dispose en effet des meilleurs statistiques de vent pour en permettre la pratique.

La fête du flobart

Il n’est pas forcément dans les usages du site de faire état des fêtes et événements. Celui-ci est particulier. D’abord parce qu’il est organisé par la très dynamique Fédération Régionale pour la Conservation du Patrimoine Maritime (FRCPM). Ensuite, parce que de vrai patrimoine il est question. Le flobart est un bateau de pêche à fond plat que l’équipage devait pousser jusqu’à l’eau puisque Wissant n’a pas de port.

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Il ne reste plus qu’un pêcheur artisanal au flobart à Wissant.  Des passionnés s’acharnent à conserver ce type d’embarcation unique sur la baie  et à mettre celui-ci particulièrement à l’honneur lors d’un moment festif le dernier week-end d’août.

Demain ?

Balayée jusqu’au ravage par la nature avec laquelle la cité n’a pas toujours su composer, Wissant fait face à nouveau à la menace des éléments.
La digue a rompu en mars 2007 après un siècle de service, offrant  le spectacle désolant d’une éventration aux regards des visiteurs.
Alors que la digue a été reconstruite et enrochée, la dune d’aval (au sud de la ville) continue quant à elle de disparaitre. Un tiers de habitations de Wissant sont menacés. Des épis brise-lame et le rechargement du secteur en sable sont des solutions envisagées par les pouvoirs publics pour faire face à la disparition du sable constatée sur toute la baie.

La commune se débat en tous sens avec le sable, le vent et l’eau. Celle-ci est l’une des plus menacées de la côte d’Opale.
Du port renommé d’hier à la petite station balnéaire d’aujourd’hui, Wissant est un laboratoire permanent de l’humilité des hommes face à la nature : sommes nous capables de faire avec et pas contre elle ?

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Prochaine étape : Regards sur la baie entre Wissant et Tardinghen.

Renseignements utiles :

  • Wissant est une station balnéaire particulièrement facile à visiter. Une longue digue permet à tous les promeneurs de profiter du lieu. La plage de sable fin est agréable. A marée haute, il faudra néanmoins quitter la zone de digue pour se baigner car l’estran est totalement recouvert à cet endroit.
  • Un site amateur (ladiguedewissant.com), permet grâce à des photos aériennes, de mieux se rendre compte des  risques encourus par le grignotage de la dune d’aval.
  • La page de la DREAL pour tout savoir sur le réensablement de la baie.
  • Une curiosité récente : le Banc à la ligne, au large de de la baie, semble à nouveau se découvrir…

 

Strouanne

Une des plus belles falaises au monde s’éteint ici. Le cap Blanc-nez est tout proche. La mer, en descendant, laisse apparaître un grand miroir gorgé de sa substance. Cadeau offert au ciel et à la terre hospitalières. Hommage à leur beauté profonde. Régal des sens par temps clément, à la nuit tombante.

Tout me parait si beau. Je n’ai pas su choisir. A vous de voir les photos suivantes. Si j’ai bien fait, vous me direz…

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Strouanne est un hameau de Wissant affectionné des « locaux », des habitués, des « rencardés. De la route, rien ne fait tapage de son attractivité, hormis les véhicules stationnés qui débordent d’un minuscule parking en été. De plus,  la plage se fait désirer par quelques centaines de mètres de chemin, en dénivelé, que l’on ne peut parcourir en théorie qu’à pied.
Cette plage superbe, baignée d’un subtil mélange d’atmosphères de falaise blanche,de dunes, de bois et de pâtures est d’une richesse exceptionnelle que l’on ne capte curieusement pas dès le premier regard.
Les maisons en contre-bas  n’enlèvent rien au charme du lieu. On se verrait les occuper sans scrupule. Ce qui est d’ailleurs possible pour un moment (ce sont pour certaines des gites). Seuls quelques usagers indélicats, en été encore, partent en bateau en laissant leur 4×4 attelé sur la plage. Nombreux sont ceux qui se plaisent à penser que les importuns reviendront de promenade un poil trop tard…
La ferme de Saint-Pô, hameau datant déjà, comme Strouanne, du Moyen-Âge, surplombe elle aussi la plage. De celle-ci, on voit les bovins charolais pâturer. Près du chemin, une petite cascade alimentée par le Rau des Nains apporte une touche d’attraction supplémentaire si besoin encore en était !

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Le jour, par beau temps, les hautes du Blanc-nez donnent envie de les parcourir. On peut gagner celles-ci par la plage ou par un chemin côtier sur la falaise.

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Le chemin permet de pratiquer plusieurs activités nautiques. L’absence d’obstacles dans l’eau encourage la pêche en surfcasting. Mais le site offre une particularité singulière : le vent. Nous ne sommes à quelques centaines de mètres d’un des plus fameux site de fun bord d’Europe.

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Car Wissant, son vent et ses voiles, apparaissent déjà… Ce sera la prochaine étape.

Renseignements utiles :
• On l’aura compris, de Strouanne s’offre une des promenades les plus agréables de la côte 
d’Opale. Elle permet de gagner le cap Blanc-nez en empruntant  un autre chemin de retour (plage ou chemin côtier sur la falaise), tout cela en moins de deux heures. Sur la plage, à l’approche du Cap, attention aux mauvaises surprises à marée haute. La mer peut avoir gagné la falaise. 

• Pour les amateurs de géologie et curieux d’érosion, voici une excellente page du site « Persée ». L’argumentation tend à relativiser la responsabilité de la mer à propos de l’érosion du trait côtier dans le secteur de Strouanne. Documentation intéressante.

• Et sur Wikhydro, une analyse des risques sur le secteur du Blanc-nez comprenant Strouanne.

 

Le cap Blanc-nez

Ca y est ! Nous voici rendus au cap, un lieu extraordinaire. Au cran d’Escalles, un rideau de calcaire s’ouvre sur les eaux agitées du détroit et invite à comprendre, peut-être pour la première fois, à quoi la côte doit son nom. La craie, le sable, brassés par l’eau, transfigurés par l’énergie du soleil, fabrique de l’opale, teinte fragile chassée par le vent mais revenant sans cesse, fidèlement, indéfectiblement attachée au lieu.

 

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Mais descendons…

Un nez, un cap…

Mais quand-même pas une péninsule ! Le cap Blanc-nez est né il y a 70 millions d’années. Les collines du Boulonnais, parentes des Alpes (la création de ces dernières ayant provoqué une sorte de réplique en ces lieux) s’offrent au va-et-vient de l’eau et accueillent ses dépôts que la sédimentation transformera en craie (voir l’article précédent).

L’étymologie révèle que la dénomination « nez » n’a rien à voir avec le rapprochement de physionomie à l’homme qu’on tente naturellement de faire. Le « nez » viendrait finalement du saxon « naes« , qui veut dire « promontoire ».

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Le cap constitue l’entrée nord d’un site parsemé de villages côtiers formant, avec plages et falaises, un ensemble exceptionnel désormais protégé par le Conseil départemental avec l’aide du conservatoire du littoral. Ceux-ci se sont vus récompensés par le ministère de l’écologie des efforts de protection qu’il ont produits . Le site des caps est désormais classé « Grand Site de France ».
« Le label Grand Site de France peut être attribué par le ministre chargé des sites à un site classé de grande notoriété et de forte fréquentation. L’attribution du label est subordonnée à la mise en oeuvre d’un projet de préservation, de gestion et de mise en valeur du site, répondant aux principes du développement durable. Le périmètre du territoire concerné par le label peut comprendre d’autres communes que celles incluant le site classé, dès lors qu’elles participent au projet. Ce label est un label sélectif et exigeant. Il est attribué pour une durée de 6 ans ».

Plus en hauteur…

Le cap culmine à 150 mètres. A cette hauteur, une vue remarquable permet de contempler les principaux lieux situés entre les portes de Calais et de Boulogne, que les photos suivantes présentent plus en détail.

Cliquez sur les photos légendées.

La baie de Wissant nous tend les bras. Elle nous attend mais qu’importe. Le temps se suspend à la masse imposante, hypnotique du promontoire blanc.
Les éléments, marées ou vents, à un moment donné, vont quand-même éprouver nos résistances et nous éloigner. Un million de personnes passeront ainsi en une année.

 

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On reprend alors la route vers Wissant,autre cap en vue sous un vol de goélands, d’écumes et d’embruns

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On s’arrêtera en route pour admirer la plage de Strouanne !

Renseignements utiles

• Le cap Blanc-nez est situé sur la commune d’Escalles. Pour marcher le long du cap, deux possibilités s’offrent au visiteur : soit monter en haut du cap, joindre à pied le monument de la Dover patrol et chercher le chemin qui descend vers le sud de ce monument (on descend alors jusqu’au cran d’Escalles qui est le seul accès à la plage). Soit on cherche à joindre le petit chemin dans le village qui permet d’accéder directement au cran et à la plage. Quoi qu’il en soit, la promenade se mérite : pas de plage à marée haute ; les bottes préférables si l’on ne veut pas trop réfléchir à la manière de contourner les bâches et fils d’eau. Les personnes à mobilité réduite s’arrêteront peut-être au blockhaus au bas du cran.

• Pour accéder aux Grands sites de France en attendant de gagner, d’ici pas mal d’étapes, le prochain grand site de France : la baie de Somme ! …

De Sangatte au Blanc-Nez

En quittant Sangatte en direction du Cap Blanc-Nez, il faut s’apprêter à assister à un événement particulier : la naissance des falaises les plus septentrionales de France (il n’y en a d’ailleurs aucune depuis le Danemark…).
Et de surcroît, ces falaises sont des plus remarquables, puisqu’on chemine déjà le long du cap Blanc-Nez, classé « Grand site national ».
Grande beauté. Grand angle… Grand virage en direction du Sud… Bref, on change de ton, résolument, presque brutalement, entre le plat pays des moëres, des dunes et polders marquant les plaines maritimes de la Mer du nord, d’un côté et les hauteurs des collines de l’Artois échouées là, de l’autre.

 

A41-150413SangatteBlancNez22En cette fin de journée ensoleillée, l’absence de vent donne des allures de canyon  à cette première partie du cap teintée d’argile et reflétant son image sur le sable saturé d’eau.

Histoire et sédiments 

La falaise est d’abord un livre ouvert sur l’histoire géologique du lieu. La craie, ici dominante, parfois jaunâtre et parsemée de rognons de silex et de fossiles, a été patiemment formée pendant le Crétacé. Car 1000 ans sont nécessaires pour obtenir 2 cm d’épaisseur de cette  roche sédimentaire résultant de l’accumulation persévérante d’algues microscopiques.

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Il y a bien longtemps, tout était couvert d’eau. Puis découvert. Puis recouvert. Puis découvert encore. Ce qu’on appelle le détroit du pas de Calais séparant l’actuelle Angleterre du reste de l’Europe date d’à peine plus de 500 000 ans. Avant, tout était relié. Un brusque effondrement de terrain entre des failles en est à l’origine. La mer, pendant la fonte des glaciers, fit son affaire d’ouvrir le Channel voici  8500 ans, pour atteindre depuis seulement 5000 ans  la forme qu’on lui connait.

Matière en érosion

L’érosion du trait de côte concerne cette partie du littoral, bien que le calcaire résiste mieux aux assauts des éléments que l’argile, les marnes et sables présentes en d’autres endroits. Selon les lieux, la falaise s’érode plus ou moins rapidement et pas toujours régulièrement : environ 20 cm par an dans le secteur nord, côté Sangatte ; entre 5 et 85 cm par an sur le cap même… La mer sape la base, mais l’eau s’infiltre au dessus et creuse des failles, qui s’élargissent alors sous l’action du gel. Tout dépend donc de la force des flots, de la pluviométrie et des températures du moment, autant d’aléas qui ne permettent pas de constater une érosion homogène du trait.
D’importants éboulements ont eu lieu en 1998 et en 2000. Depuis, le cap est équipé de sondes et d’appareils de mesure permettant de mieux comprendre les phénomènes et les prévenir autant que possible.

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L’érosion est en tout cas indiscutable. La situation précaire de certaines constructions militaires en témoigne. La déambulation à proximité des falaises est dangereuse et pas seulement qu’en hiver, comme on le pense parfois.
Il faut aussi savoir que l’évolution sur cette partie offre peu d’option de survie au marcheur étourdi à marée haute. Sur plusieurs kilomètres, la paroi n’offre aucun moyen de l’escalader pas plus qu’il n’existe d’accès aménagé pour fuir l’estran recouvert par la mer.

Géant !

Le site reste quand même un merveilleux site de promenade et de découverte d’oiseaux nicheurs. De vieux pêcheurs y tendent encore des filets pour attraper les poissons déambulant au gré de la marée. Quelques parapentistes profitent de la hauteur des falaises  pour accrocher la voile aux courants ascendants. Mais la marche reste le meilleur moyen de profiter de cette partie littorale limpide et flamboyante sitôt que le soleil en baigne les parois.

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Le soir tombe. On aperçoit au loin le cap Griz-Nez… Alors que nous n’avons pas encore passé le blanc dont nous n’avons pas tout à fait fini de parler.

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La prochaine étape permettra en effet de prendre un peu de hauteur. Cap sur le cran d’Escalles et sur le sommet du Blanc-Nez !

Renseignements utiles

La promenade est exquise, surtout dans l’après midi et en soirée, falaises baignées par le soleil. Sable ferme, pas de cours d’eau infranchissable. Il est toutefois conseillé de ne pas s’approcher de la falaise, surtout s’il a été constaté que vous n’étiez pas en veine depuis le début de la journée.
Des bottes peuvent être conseillées. Je ne les ai jamais trouvées indispensables sur cette portion du littoral. En revanche il est fortement déconseillé de s’engager 3 heures après la marée montante. Le risque de se voir coincé en route – et de périr- est réel.

• Pour les amateurs de géologie voir ici et ici

 

 

Sangatte, porte de sable

Il semble filer sur l’estran comme nulle part ailleurs. Il sépare la cité de la mer d’un mince, si mince cordon dunaire que l’on en vient à croire que « zand gate« ou « sand gate » est bel et bien la racine saxonne du nom de Sangatte. Le sable court ici sur 8 kilomètres de plage. Et la station doit son salut au fragile amas de ses grains capturés par les oyats.

Sangatte est une station balnéaire. Sangatte, c’est aussi « la porte d’à côté » pour aller en Angleterre : une porte à côté de Calais. Ainsi, au cours des deux précédents  siècles, la commune fut le théâtre des premières tentatives de liaison transmanche, souterraine et aérienne.
Mais si l’on connaît aujourd’hui le nom de Sangatte partout ailleurs, c’est parce que la commune a vu naître en 1999, puis disparaître en 2002 un véritable lieu d’accueil des réfugiés cherchant à gagner l’autre rive du détroit. Quand la fermeture fut effective, la situation est passée de pénible à totalement catastrophique.
Sangatte est aussi une ville réellement menacée par les flots… Par  « porte de sable« , les anciens, plus réalistes que poétiques, entendaient désigner un accès facile de l’eau par un lieu déjà connu pour sa fragilité face aux assauts de la mer.

La porte d’un delta

Depuis la frontière belge, en fait nous évoluons sur du plat, tantôt sur des zones de polder conquises sur la mer, tantôt sur un ancien delta. Sangatte marque la limite occidentale du delta de l’Aa, juste avant que ne commencent les collines de l’Artois. Malgré les invasions marines, on semble avoir habité là depuis très longtemps, avant que la mer ne couvre pendant un temps les lieux, comme à Dunkerque, au temps de Charlemagne. En tout cas, une voie gallo-romaine, le chemin de Leulène, aboutissait déjà à Sangatte.

La porte aux loisirs

A Sangatte, on vient profiter de l’eau, du sable et du vent, de la nature aussi. La commune est dotée de plusieurs sites biologiquement remarquables et offre de superbes points de vue sur le port de Calais, sur la commune même, sur le trafic transmanche et sur les côtes anglaises.

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Un rideau ouvert vers Angleterre

Elles sont tellement proches, ces côtes anglaises, que Portus Itius, le fameux point de départ de Jules César et de son armée pour l’Angleterre en moins 56 av. JC, pouvait être concevable à partir de  Sangatte,

C’est à Sangatte que par deux fois, on tenta de creuser un tunnel sous la Manche, en 1875 et en 1974. Un puits d’accès à l’actuel tunnel  y a également été creusé.
Et c’est aussi à Sangatte que Louis Blériot, cet ingénieur nordiste, pionnier du ciel,  réalisa la première traversée de la Manche le 25 juillet 1909, au nez et à la barbe de son ami Hubert Latham, aventurier intrépide, trahi par son moteur six jours auparavant.

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D’autres pilotes comme Jacques de Lesseps graveront eux aussi l’histoire de l’aéronautique dans cette commune.
Une quinzaine d’années après la première traversée, le conseil municipal décidera de lier le souvenir de l’exploit du premier vainqueur de la traversée à la ville en nommant « Blériot-Plage » le lieu-dit des Baraques d’où le pilote décolla.
« Sangatte Blériot-Plage » est d’ailleurs le nom que la cité s’est donné aujourd’hui.

Bilan et perspectives d’une commune contrariée  par les flots

Plusieurs fois envahie par la mer (la dernière fois, en 1953), Sangatte voit ses défenses régulièrement dégradées (la digue, lors de la tempête Xinthia par exemple). La question de la submersion est ici à prendre au sérieux. Les aléas de submersion ont été calculés avec une surcôte de 0,60 m en prévision du changement climatique. Des travaux sont en cours pour protéger les habitations.

En tout cas c’est beau !

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Prochaine étape : le cap Blanc Nez ! Attention les yeux !

Renseignements utiles :

• La promenade le long des 8 kilomètres de plage ne présente pas de difficulté. Elle est cependant problématique à marée haute et à fort coefficient. L’alternative derrière la dune du Fort Mahon, puis le long de la RN est beaucoup moins intéressante (on ne voit pas la mer, déjà). par temps sec et vent fort SO ou NE, le déplacement du sable sur l’estran peut rendre la promenade désagréable en jupe ou en short, notamment.
• Pour tout savoir sur une étude de danger de submersion et sur le cas de Sangatte, un rapport de 2013 à télécharger
• Le site de la commune de Sangatte Blériot-Plage  et son très beau logo vintage. Pour prendre connaissance des travaux d’enrochement de la digue aussi.

 

Chalets de Calais, de Blériot

Veilleurs placides en quête de temps cléments, les chalets sont posés sur la plage, face à la mer. Saturés de sable et de sel par les vents dominants. Protégés des flots comme le seraient des morceaux de sucre sur la table face à un bol de lait renversé.
Ainsi Carnac a ses menhirs.  L’île de Pâques a ses géants.  Et Calais a ses chalets.
Peut-être même la plus grosse concentration de chalets. Ici, près de 500 totems à la gloire du soleil ont été dressés. Pas de sang versé en sacrifice, juste peut-être la peau, parfois ointe d’une sainte crême dédiée au dieu soleil.

Comme nulle part ailleurs les chalets de Calais, jusque Blériot, la partie la plus orientale de Sangatte, sont l’âme de la plage.
L’âme. Le charme. L’utilité aussi, d’après certains.

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L’âme, c’est déjà celle des gens du Nord, des gens qui ont peu, ou qui ont eu peu. Et des gens qui font de ce peu toute une montagne. Et c’est sans doute pour cela que la moindre cabine s’appelle « un chalet », tout comme le plus famélique thuya qu’on laisse filer, ici, cela peut s’appeler un « sapin ».

Aussi, quand un chalet est fracturé, c’est un véritable raz-de-marée dans les esprits profanés. En même temps, il faut compter au minimum 2500 € pour une occasion dans un état correct, 6000 € pour du neuf, 200 € à chaque coup de peinture… sans compter le coût de concession d’un espace.

Que l’on soit riche ou peu fortuné, ce n’est pas rien d’avoir un chalet…

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Et tant de belles histoires familiales s’y sont déroulées qu’on y reste attaché.

La mode des cabines date du début de l’histoire balnéaire. Les bourgeoises s’y changeaient. La cabine était montée sur une charrette attelée. On déposait la baigneuse à fleur d’eau, en sorte qu’elle ne soit pas aperçue, en ces temps prudes, dans une tenue qui aurait contrevenu aux convenances.

Par la suite, il s’est avéré très pratique de disposer d’un local renfermant accessoires de bains et chaises longues pouvant rester à demeure. Le chalet devient pour un jour une résidence secondaire chargée de beaux souvenirs. On se bat alors pour le garder et l’entretenir.

Et puis, le charme des cubes immaculés coiffés d’un camaïeu donne à la promenade en front de mer un intérêt certain dont les résidents peuvent s’honorer.

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Aujourd’hui, le chalet est normé : 2m50 x 2m50, et une terrasse de 60 cm tout au plus. Il doit être obligatoirement peint en blanc, désormais. Les pouvoirs publics veulent juste plus d’harmonie visuelle. La loi littoral impose en outre la création d’ouvertures sur la mer et de ce fait, leur diminution à 350 pièces est programmé.

Pas d’éradication en vue. Sauf peut-être par la mer. C’est déjà arrivé. La collectivité en tout cas ne compte pas y toucher. C’est que les chalets comptent pour beaucoup dans l’attrait touristique du front de mer de Calais.

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On leur prête aussi la vertu de retenir le sable sur la plage. Alors personne ne s’en plaint, ou si peu.

A37-010315Bleriot25La plage à marée basse. Le vent d’ouest emporte de sable vers le port. Les chalets sont au fond, vers la droite.

Un avant port, une digue, une superbe plage et toute la vie créée par chaque éléments que l’on peut embrasser du même regard et vivre tour à tour font du front de mer de Calais un endroit d’exception.

Prochaine étape à Sangatte !

Renseignements utiles :
• La promenade sur la plage, comme sur la digue, ne présente aucune difficulté. On peut évoluer au milieu des chalets.
• Des photos des cabines de plage en 1900

Le port de Calais

Dossier associé : Les ferrys et le trafic transmanche (Dossier 9)

Chacun des ports de la côte d’Opale a sa petite spécialité. Un peu comme dans l’histoire des trois petits cochons. Dunkerque  pour le vrac et les volumes, Boulogne pour la pêche… et Calais pour le transit…Bien sûr, cette répartition n’est pas catégorique. Chaque localité s’est battue contre les autres pour attirer briques et ciment et ramasser tout ce qui peut faire bouillir la marmite qui éloignera le loup. Mais le loup est quand-même venu. Et le loup, c’est la compétition mondiale face à laquelle les ports auraient sans doute gagné d’avancer un peu plus en rang serré.  La population des trois ports décroit. Ici on manque de travail et cela n’aide pas à aborder les nouveaux défis sereinement.

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En attendant, Calais continue de vivre.  L’arrivée du tunnel sous la Manche n’a pas stoppé le ballet incessant des ferries, véritable pulsation de la cité littorale.

Mais le coeur de Calais bat au rythme des anglais. Et la construction de Calais Port 2015, prochain grand rendez-vous économique de la ville, ne semble pas déroger à l’habitude puisqu’il s’agira de desservir la façade est de l’Angleterre. La ville retient d’ailleurs souvent son souffle à cause de la proximité du royaume. Quand la couronne d’Angleterre désire un pied à terre en France, voilà la ville assiégée, affamée, annexée pour des années. Quand la révolution industrielle se construit outre-Manche, les premiers métiers sont montés pour la mondialisation de la renommée des dentelles de Calais. Quand la Grande-Bretagne est attaquée, la ville de Calais, par l’un ou par l’autre,  se retrouve décimée. Le cours de la livre augmente ? Les oulet centers et autres cash and carry viennent alors canaliser profitablement le déferlement de consommateurs anglo-saxons avides de marques, de bières et de vins…
Et c’est une fois encore le Royaume Uni qui est à la source du nouveau défi auquel la cité se voit confronté : le blocage des exilés à Calais, suite à la signature des accords du Touquet. L’esprit corsaire doit avoir fait son temps (il y en a eu à Calais, certes moins connus que Jean Bart et Surcouf). Il est temps d’apprendre l’anglais : le pas de Calais doit porter la ville jusqu’au coeur de l’Angleterre.

Quoi qu’il en soit, dans le vieux port de Calais et sur la plage, à l’est de de la ville, les tensions disparaissent au rythme du mouvement indolent d’impressionnants bateaux laissant malgré tout les pêcheurs à quai impassibles, de jour, sous la neige, comme de nuit…

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L’ambiance est  moins « mer du Nord » qu’à Dunkerque  On sent presque l’effet de cassure du trait de côte entamé par le site du cap Blanc Nez, non loin de là. Un urbanisme ingrat au premier abord ne vient pas à bout du charme des plans d’eau. Les grandes manoeuvres maritimes ont pris le large un peu plus à l’est. Mais la vue sur l’avant-port est totale, sans obstacle ni contre-jour.  On peut contempler les entrées de tous les navires à partir de la jetée. Jusqu’à l’ouverture du port 2015 en tout cas.

Cliquer sur les photos, pour une fois plus légendées que d’habitude !

Calais-neige

Le front de mer s’engourdit. Eloge à la lenteur. Tout s’arrête. Sauf la pêche. Sauf les ferries. Mes plus belles prises de Calais sont d’après moi ici.

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Il neige peu souvent à Calais. Nous en avons un peu profité.

Calais nuit

A l’approche de la nuit, c’est un ballet de lumières qui anime l’espace portuaire de scintillements éclectiques. Navires, enseignes et balises font en sorte que le port ne dorme jamais.

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Le prochain article sera pour une bonne part ensoleillée. Cap sur Blériot-Plage et sa forêt de cabines.

Renseignements utiles

  • Sur la complémentarité et les rivalités des ports de Flandre occidentale au Moyen-Age, voici un article d’un chercheur ;
  • Un ouvrage en ligne traitant de l’essor de Calais fin XIXème début XXème, qui façonna l’activité économique de la cité jusqu’à ce jour
  • Le rapport du CESER « Région Nord ‐Pas de Calais : quelle stratégie pour le ports de la façade maritime ? » détaille les enjeux et les difficultés d’aboutir à une  action concertée des ports de la côte d’Opale.
  • A lire (c’est synthétique), le projet de territoire de la CCI Côte d’Opale
  • Le site du Port de Calais
  • L’histoire de Calais, que je n’ai pas détaillée, est ici
  • Et ici, es photos historiques de l’aménagement du front de mer

Calais, front Est… et rien de nouveau

Les lecteurs soucieux de l’image de Calais vont certainement maudire cette page, et d’autres encore s’en trouver déçus, mais voilà…  En cheminant d’Est en Ouest dans le sens de la marche, on traverse d’abord une zone qu’il serait difficile de trouver heureuse. L’arrivée à Calais donne donc cela… Un mur blanc face à la mer.

La rocade qui entaille la partie orientale de Calais enfilait déjà les mondes les plus crus comme des perles. Sitôt les tours résidentielles du Beau-Marais dépassées, on surplombe des dunes malades d’être trop proches des turpitudes humaines. Il y a aussi, sur le front de mer, le vaste espace goudronné d’un terminal d’hoverport désaffecté (Voir les renseignements utiles)… et puis ces losanges enflés de métal noir que Tioxide présente sans pudeur aux vents marins. Mais l’usine est sur le point de fermer. Enfin, on tombe sur le gigantesque terminal des ferries pour l’Angleterre.

Ah oui ! Il y a aussi cet « exit » dont on peine à croire qu’il mène aussi au centre d’une ville, tellement le bout de tout semblait atteint.

La touche finale de ce décor en attente de nouveaux devenirs vient d’être apportée par une double clôture de métal blanc érigée sur plusieurs kilomètres, dans le prolongement d’un camps des réfugiés placé à l’endroit même du milieu naturel concédé par la chambre de commerce en compensation des dérangements causés par les prochaines infrastructures portuaires.

La « jungle », comme on pensait que les afghans l’appelaient. La « lande », comme les autorités préfèrent la nommer. On parle même de « new jungle » aujourd’hui, pour qualifier cet ultime emplacement concédé.

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A Calais, les nuages sont redessinés, gribouillés aux barbelés. Certes, on protège partout les installations portuaires. Mais jamais a ce point là…

Comme pour bon nombre de murs séparant les lieux, les hommes les uns des autres, le rideau de fer blanc de Calais symbolise toutes les incapacités d’intégrer.

Intégrer véritablement pourquoi ces gens sont là. Et d’en déduire l’obligation de les accueillir comme il se doit.

Intégrer que la présence de réfugiés à Calais est inévitable et durable. Et que la cité doit se préparer à construire une véritable économie tournée vers l’hospitalité. Il lui faut même prévoir non plus de gérer l’afflux mais de vivre  avec une communauté d’exilés, comme cette région sut le faire par le passé. Ce qu’elle peine aujourd’hui à envisager. Et c’est peut-être l’absence d’issues à venir pour chacun qui fait le plus mal.

Car tout le monde ou presque est dans la peine… Les riverains plutôt aidants, sont maintenant accablés par la concentration provoquée. Les professionnels sont exaspérés par la gêne et par les risques. Les forces de l’ordre sont dépassées. Les bénévoles des associations caritatives sont épuisées. Mais elles continuent, soutenues par la solidarité de commerçants et de nombreux donateurs individuels.

Les réfugiés, eux, sont aussi à bout. L’attente sur place est plus longue. Les manifestations d’hostilité sont plus pesantes. Les passages sont plus difficiles et plus risqués. Les conditions de survie sont indignes. Vraiment indignes.

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La mer ? La pire des barrières. Peut-être déjà bravée ailleurs dans la peur et la douleur, elle le sera encore, c’est sûr, s’il n’y a pas d’autre moyen. Pour un peu plus de sécurité. Pour un peu plus d’avenir.

D’autres aspects auraient pu être abordés sur la partie Est de Calais. J’ai choisi de ne pas le faire par respect pour tous les gens pour qui l’avenir s’est arrêté à Calais. J’adresse une pensée à ma grand-mère Virginie Théry épouse Lenaerts, par deux fois évacuée, qui m’a tout raconté.
Dans le prochain article, nous découvrirons comment le pouls économique de la zone portuaire continue de battre malgré les difficultés. Et nous parlerons quand-même d’avenir, avec le port de Calais 2015. Je conseille toutefois de parcourir deux pages sur les Hovercrafts ci après, car je ne pense pas en reparler.

Renseignements utiles :