C’est un endroit où se côtoient havre et chaos.
Un promontoire gris comme la cendre sur la peau d’un vieux guerrier. Un guerrier de 160 millions d’années qu’un baume chlorophyllien vient apaiser.
L’Angleterre que l’on distingue si bien comme ici par temps clair n’est plus qu’à 28 kilomètres… Cette proximité a fait que la plage du cap accueillait les porteurs de dépêches entre le continent européen et le Royaume-Uni tout comme la baraque Fricot, le local où atterrissait côté français le câble sous-marin du télégraphe. Les nageurs traversant le détroit choisissent souvent la plage de la Sirène comme point de départ ou d’arrivée de leur périple.
Jean-Marie Salati, un Italien, soldat de la Grande armée prisonnier des Anglais aurait été le premier à traverser le détroit en 1818 en prenant la fuite. La première traversée officielle date de 1875. Matthew Webb devait justement arriver sur la plage du Griz-nez mais atterrit sur la plage des Baraques à Sangatte, après avoir passé 22 heures dans l’eau.
Plusieurs milliers de nageurs et nageuses prendront leur suite.
Malgré tout, il n’est pas bon d’être aussi près d’Albion, en temps de guerre, surtout.
Audinghen, la commune englobant les 7 kilomètres du cap, a été de ce fait maintes fois dévastée.
Calvaires et clocher singuliers sont ostensiblement dressés, comme pour éloigner le danger.
La muséification de la dernière grande guerre, comparable à celle des plages du débarquement, semble aussi vouloir exercer le même exorcisme.
Havre et chaos. Agrément touristique et paysager d’aujourd’hui, sur une terre de labeur, de guerre et de souffrance passées, voilà ce qu’est le cap Gris-nez.
Les Epaulards piégés par une Sirène
Nous sommes côté calme, au nord du cap, un peu à l’abri de sa pointe. Une petite plage fermant la baie de Wissant permet la mise à l’eau des embarcations. La plage de la Sirène est jonchée de pierres disposées en ellipse. Cette curiosité s’explique par un anticlinal, autrement dit, un pli géologique en forme de chapeau chinois. Ou d’accent circonflexe si l’on préfère. De la sorte, les strates géologiques plongent à l’oblique, presque verticalement. L’érosion marine, en entamant rapidement les parties les plus meubles, met en exergue les strates de grès polis par les éléments. Ce sont ces rochers que l’on désigne ici sous le nom d’Epaulards, parce que leur forme suggère le dessin de la nageoire dorsale du cétacé en question.
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Le cap Blanc- nez joue à chat avec les rayons du soleil tandis que la mer, jalouse, écume. La Sirène s’est offert un restaurant doté d’une des plus belles vues sur le littoral français. Elle lui a d’ailleurs donné son nom. Les Epaulards accompagnent les « pêcheurs dans la vague ». Bientôt, les flobarts rentreront…
Gris-nez, beau-nez… Voyons maintenant le haut du nez…
Sur la falaise...
De la plage de la Sirène, un petit chemin monte en serpentant autour de maisons. Au plus haut, nous dépassons alors le niveau de la mer de 45 mètres. Un phare reconstruit dans les années 50 domine le lieu. C’est au pied de ce phare que le Cross Griz-nez, véritable tour de contrôle maritime, veille au trafic de bateaux le plus important du monde. Plus de 500 navires par jour vont croiser dans le détroit.
Pour la première fois depuis la frontière belge, le chemin côtier vire plein sud, au gré des 7 crans rythmant le dénivelé de la pointe du cap jusqu’à Audresselles. Ces crans sont des entailles creusées dans la falaise par les cours d’eau. En voici quelques-uns…
Le cran barbier
Après les crans de Quette et de Sillers, c’est la troisième entaille que l’on traverse en Partant de la pointe du Cap.
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C’est dans les environs du cran Barbier que l’on aperçoit la Batterie Todt, une des plus grosses installations militaires du mur de l’Atlantique. En contraste, « Notre-Dame des vaches », une petite statuette nichée le long du chemin côtier.
Le cran aux oeufs
Au loin, de petites maisons de pêcheurs cheminent en cortège jusqu’au pied de la falaise.
Il fut un temps où il fallait des cordes pour accéder à la plage du cran aux oeufs. Les cordes ont disparu. Un chemin discret permet aux plus téméraires d’y descendre.
Le cran deux oeufs est un théâtre que dominent des boules de grès suspendues tandis que d’autres sont éboulées.
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Le ruisseau coule encore et tombe en une petite cascade. On évolue assez aisément vers le sud, au milieu « d’oeufs cassés ».
Grandiose. Que dire d’autre ?
Le cran Poulet
Autrefois appelé cran de la Rouge Casaque, la plage en bas du cran accueillait une guinguette désormais disparue. Le cran Poulet est surtout connu et fréquenté pour la statue de Notre-Dame des flots, plusieurs fois déplacée et « remontée » sur la falaise à cause de l’avancée de la mer.
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Pèlerinages, petites intentions et simples témoignages du passage de marcheurs s’amoncèlent au pied de la statue.
Aux portes d’Audresselles.
Au bas du cran Mademoiselle et du cran du Noirda, la mer se déchaîne sur les rochers, les disloque, les ronge, les rogne…
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Nous voici arrivés a la Pointe du Poissonnier, en proximité d’un village de pêcheurs, sans doute le plus préservé de la côte d’Opale.
Son nom : Audresselles. Prochaine étape !
Renseignements utiles :
• Le site du cap, en son sommet, offre un des meilleurs points de vue sur le cap Blanc-Nez, sur l’Angleterre et le port de Boulogne sur Mer. A marée haute le cap n’offre quasiment jamais d’accès au niveau de la mer, qu’on se contente alors de contempler à partir du parking du restaurant La Sirène. Promenades toujours possibles sur la falaise, en tout cas.
• Pour les amateurs de photos anciennes, une belle page sur Histopale, passe en revue la vie du cap il y a un siècle. En voici aussi de bonnes sur la plage de la Sirène.
• Une page de club de géologie permet de comprendre simplement certains alignements rocheux de la plage de la Sirène grâce à d’intéressants croquis.
• Le site du centre de surveillance trafic maritime le plus important du Monde est ici