littoral en partage

Le port de Calais

Dossier associé : Les ferrys et le trafic transmanche (Dossier 9)

Chacun des ports de la côte d’Opale a sa petite spécialité. Un peu comme dans l’histoire des trois petits cochons. Dunkerque  pour le vrac et les volumes, Boulogne pour la pêche… et Calais pour le transit…Bien sûr, cette répartition n’est pas catégorique. Chaque localité s’est battue contre les autres pour attirer briques et ciment et ramasser tout ce qui peut faire bouillir la marmite qui éloignera le loup. Mais le loup est quand-même venu. Et le loup, c’est la compétition mondiale face à laquelle les ports auraient sans doute gagné d’avancer un peu plus en rang serré.  La population des trois ports décroit. Ici on manque de travail et cela n’aide pas à aborder les nouveaux défis sereinement.

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En attendant, Calais continue de vivre.  L’arrivée du tunnel sous la Manche n’a pas stoppé le ballet incessant des ferries, véritable pulsation de la cité littorale.

Mais le coeur de Calais bat au rythme des anglais. Et la construction de Calais Port 2015, prochain grand rendez-vous économique de la ville, ne semble pas déroger à l’habitude puisqu’il s’agira de desservir la façade est de l’Angleterre. La ville retient d’ailleurs souvent son souffle à cause de la proximité du royaume. Quand la couronne d’Angleterre désire un pied à terre en France, voilà la ville assiégée, affamée, annexée pour des années. Quand la révolution industrielle se construit outre-Manche, les premiers métiers sont montés pour la mondialisation de la renommée des dentelles de Calais. Quand la Grande-Bretagne est attaquée, la ville de Calais, par l’un ou par l’autre,  se retrouve décimée. Le cours de la livre augmente ? Les oulet centers et autres cash and carry viennent alors canaliser profitablement le déferlement de consommateurs anglo-saxons avides de marques, de bières et de vins…
Et c’est une fois encore le Royaume Uni qui est à la source du nouveau défi auquel la cité se voit confronté : le blocage des exilés à Calais, suite à la signature des accords du Touquet. L’esprit corsaire doit avoir fait son temps (il y en a eu à Calais, certes moins connus que Jean Bart et Surcouf). Il est temps d’apprendre l’anglais : le pas de Calais doit porter la ville jusqu’au coeur de l’Angleterre.

Quoi qu’il en soit, dans le vieux port de Calais et sur la plage, à l’est de de la ville, les tensions disparaissent au rythme du mouvement indolent d’impressionnants bateaux laissant malgré tout les pêcheurs à quai impassibles, de jour, sous la neige, comme de nuit…

Calais-jour

L’ambiance est  moins « mer du Nord » qu’à Dunkerque  On sent presque l’effet de cassure du trait de côte entamé par le site du cap Blanc Nez, non loin de là. Un urbanisme ingrat au premier abord ne vient pas à bout du charme des plans d’eau. Les grandes manoeuvres maritimes ont pris le large un peu plus à l’est. Mais la vue sur l’avant-port est totale, sans obstacle ni contre-jour.  On peut contempler les entrées de tous les navires à partir de la jetée. Jusqu’à l’ouverture du port 2015 en tout cas.

Cliquer sur les photos, pour une fois plus légendées que d’habitude !

Calais-neige

Le front de mer s’engourdit. Eloge à la lenteur. Tout s’arrête. Sauf la pêche. Sauf les ferries. Mes plus belles prises de Calais sont d’après moi ici.

Cllquez sur les photos

Il neige peu souvent à Calais. Nous en avons un peu profité.

Calais nuit

A l’approche de la nuit, c’est un ballet de lumières qui anime l’espace portuaire de scintillements éclectiques. Navires, enseignes et balises font en sorte que le port ne dorme jamais.

Cllquez sur les photos

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Le prochain article sera pour une bonne part ensoleillée. Cap sur Blériot-Plage et sa forêt de cabines.

Renseignements utiles

  • Sur la complémentarité et les rivalités des ports de Flandre occidentale au Moyen-Age, voici un article d’un chercheur ;
  • Un ouvrage en ligne traitant de l’essor de Calais fin XIXème début XXème, qui façonna l’activité économique de la cité jusqu’à ce jour
  • Le rapport du CESER « Région Nord ‐Pas de Calais : quelle stratégie pour le ports de la façade maritime ? » détaille les enjeux et les difficultés d’aboutir à une  action concertée des ports de la côte d’Opale.
  • A lire (c’est synthétique), le projet de territoire de la CCI Côte d’Opale
  • Le site du Port de Calais
  • L’histoire de Calais, que je n’ai pas détaillée, est ici
  • Et ici, es photos historiques de l’aménagement du front de mer
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Calais, front Est… et rien de nouveau

Les lecteurs soucieux de l’image de Calais vont certainement maudire cette page, et d’autres encore s’en trouver déçus, mais voilà…  En cheminant d’Est en Ouest dans le sens de la marche, on traverse d’abord une zone qu’il serait difficile de trouver heureuse. L’arrivée à Calais donne donc cela… Un mur blanc face à la mer.

La rocade qui entaille la partie orientale de Calais enfilait déjà les mondes les plus crus comme des perles. Sitôt les tours résidentielles du Beau-Marais dépassées, on surplombe des dunes malades d’être trop proches des turpitudes humaines. Il y a aussi, sur le front de mer, le vaste espace goudronné d’un terminal d’hoverport désaffecté (Voir les renseignements utiles)… et puis ces losanges enflés de métal noir que Tioxide présente sans pudeur aux vents marins. Mais l’usine est sur le point de fermer. Enfin, on tombe sur le gigantesque terminal des ferries pour l’Angleterre.

Ah oui ! Il y a aussi cet « exit » dont on peine à croire qu’il mène aussi au centre d’une ville, tellement le bout de tout semblait atteint.

La touche finale de ce décor en attente de nouveaux devenirs vient d’être apportée par une double clôture de métal blanc érigée sur plusieurs kilomètres, dans le prolongement d’un camps des réfugiés placé à l’endroit même du milieu naturel concédé par la chambre de commerce en compensation des dérangements causés par les prochaines infrastructures portuaires.

La « jungle », comme on pensait que les afghans l’appelaient. La « lande », comme les autorités préfèrent la nommer. On parle même de « new jungle » aujourd’hui, pour qualifier cet ultime emplacement concédé.

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A Calais, les nuages sont redessinés, gribouillés aux barbelés. Certes, on protège partout les installations portuaires. Mais jamais a ce point là…

Comme pour bon nombre de murs séparant les lieux, les hommes les uns des autres, le rideau de fer blanc de Calais symbolise toutes les incapacités d’intégrer.

Intégrer véritablement pourquoi ces gens sont là. Et d’en déduire l’obligation de les accueillir comme il se doit.

Intégrer que la présence de réfugiés à Calais est inévitable et durable. Et que la cité doit se préparer à construire une véritable économie tournée vers l’hospitalité. Il lui faut même prévoir non plus de gérer l’afflux mais de vivre  avec une communauté d’exilés, comme cette région sut le faire par le passé. Ce qu’elle peine aujourd’hui à envisager. Et c’est peut-être l’absence d’issues à venir pour chacun qui fait le plus mal.

Car tout le monde ou presque est dans la peine… Les riverains plutôt aidants, sont maintenant accablés par la concentration provoquée. Les professionnels sont exaspérés par la gêne et par les risques. Les forces de l’ordre sont dépassées. Les bénévoles des associations caritatives sont épuisées. Mais elles continuent, soutenues par la solidarité de commerçants et de nombreux donateurs individuels.

Les réfugiés, eux, sont aussi à bout. L’attente sur place est plus longue. Les manifestations d’hostilité sont plus pesantes. Les passages sont plus difficiles et plus risqués. Les conditions de survie sont indignes. Vraiment indignes.

Cliquer sur ces photos, sans besoin de commentaires

La mer ? La pire des barrières. Peut-être déjà bravée ailleurs dans la peur et la douleur, elle le sera encore, c’est sûr, s’il n’y a pas d’autre moyen. Pour un peu plus de sécurité. Pour un peu plus d’avenir.

D’autres aspects auraient pu être abordés sur la partie Est de Calais. J’ai choisi de ne pas le faire par respect pour tous les gens pour qui l’avenir s’est arrêté à Calais. J’adresse une pensée à ma grand-mère Virginie Théry épouse Lenaerts, par deux fois évacuée, qui m’a tout raconté.
Dans le prochain article, nous découvrirons comment le pouls économique de la zone portuaire continue de battre malgré les difficultés. Et nous parlerons quand-même d’avenir, avec le port de Calais 2015. Je conseille toutefois de parcourir deux pages sur les Hovercrafts ci après, car je ne pense pas en reparler.

Renseignements utiles :

Un soir à Grand-Fort Philippe

Nous passons sur la rive gauche de l’Aa. Un temps maussade aux rimes d’une chanson triste de Jacques Brel laissera la place à la lumière du soleil couchant et à des ambiances de prises de vue très changeantes.
De ce côté du fleuve, l’embouchure, cernée par la digue, crée une vaste vasière bordée de maisons. C’est là que l’ancien hameau de pêcheurs de Gravelines a donné peu à peu naissance à un véritable bourg, devenu autonome depuis seulement 1886 et peuplé aujourd’hui d’un peu plus de 5000 habitants.

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Les maisons et la vasière, vues de la digue

On est imprégné par l’ambiance particulière de Grand-Fort-Philippe… Une ambiance souvent propre à ce qui est au bout de tout. Grand-Fort est au bout du chenal. Au bout de Gravelines, au point même de s’en séparer. Au bout de la zone d’influence d’une langue aussi, le picard. C’est même une enclave au sein d’un territoire dominé par la tonalité flamande. Alors ici, on a bricolé quelque chose de spécifique. Il y a ainsi tout un vocabulaire qui n’appartient qu’à Grand-Fort-Philippe. Cela a bien évidemment renforcé des liens spécifiques à cette communauté villageoise, au point que chaque habitant se voyait doté d’un surnom par les autres : Grand bobo, Kerkmé, Berlou…

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Le Calvaire des marins, au bord de la digue, point d’ancrage d’une procession le 15 août.

La pêche et la dureté du métier de pêcheur à Islande, jusqu’au début du XXème siècle, a sans doute fortement contribué à renforcer ces liens humains. La pêche à Islande faisait partir les marins 6 mois durant, de mars à septembre, à la recherche de la morue. Les conditions de cette pêche dans les eaux islandaises sont particulièrement rudes et dangereuses. Rendu sur place, le bateau se met à la dérive. Car la pêche s’effectue à la ligne. Le pêcheur reste pendant plusieurs heures sur son « mât de misère » à jeter, puis à remonter une ligne montée par deux hameçons. D’autres marins se chargent de récupérer  ces lignes à bord et et « d’habiller la morue » en la vidant et la salant avant de la stocker dans un tonneau (le paquage). Les épouses, au port, vont nettoyer les prises et les stocker à nouveau (repaquage) avant qu’elles ne soient fumées. Comme à la mine, tout le monde y était, créant cet étonnant mélange de dureté et de proximité.

Aujourd’hui, la pêche, malgré sa modernisation, a déserté les quais. Le Minck (criée à poissons) de Grand-Fort-Philippe a fermé. Il reste deux saurisseries artisanales et deux musées de la mer, l’un dédié à la pêche à Islande, l’autre au sauvetage en mer, derniers témoins de l’activité économique passée.

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Les quais du Minck, criée aux poissons, désormais fermée.

Au bout d’un monde, au bout d’une terre et d’une histoire la nostalgie prend aisément la place.
Aucun élément de modernité n’a encore recouvert, par son agitation, la puissance évocatrice des marques du passé, encore visibles, mais vides comme le sont les quais du Minck de Grand-Fort-Philippe.

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Et c’est le coeur plein de nostalgie, du gris béton de la digue ou des quais du Minck que l’on peut contempler, du meilleur point de vue, « l’autre côté », auquel, curieusement, aucun pont n’accède : Petit-Fort-Philippe, avec son phare pimpant et sa plage dégagée, prisée, vivante (voir l’article précédent).
Des salles de bal, des lotos, il reste en encore, malgré le dénuement du chômage et le désoeuvrement de la jeunesse, un caractère à Grand-Fort (Fort Flip’, comme dit ici), et cela jusqu’au coeur des frites, que nos grosses mains invitent à revenir souvent, comme l’aurait chanté Jacques Brel.

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Prochaine étape dans la nature, sur le Platier d’Oye, précisément.

Renseignements utiles :
– Pour passer de Petit-Fort à Grand-Fort-Philippe, il faut remonter le chenal de l’Ae jusqu’aux portes de Gravelines, soit un détour d’environ 3 Km ;
– Pour visiter les Musées de la Mer et du Sauvetage de Grand-Fort-Philippe ;
– Une liste autant amusante qu’intéressante des surnoms donnés aux habitants de Grand-Fort-Philippe.

Le long de Gravelines (de la centrale à Petit-Fort)

Voir également le dossier thématique n° 7 attaché  : Les centrales nucléaires en bord de mer

Quand on évoque Gravelines, on pense immanquablement à la centrale nucléaire. S’y rendre pour l’agrément du lieu parait aussi crédible que de programmer une promenade romantique à Maubeuge au clair de lune. Pourtant Gravelines est une assez belle cité, encore marquée par le charme de ses fortifications et de ses canaux… La taxe professionnelle de la centrale apporte le reste : l’argent, pour les fleurissement et les infrastructures…  La ville ne s’est donc pas enrichie qu’en uranium,  du temps où Thierry d’Alsace, comte de Flandre, y établit son port,  jusqu’à la période contemporaine d’Albert Denvers, son maire pendant plus de 50 ans si l’on tient compte du mandat accompli par sa propre épouse… Albert Denvers a pour sa part donné à la ville une centrale, une communauté urbaine et une équipe de basket. Ah oui ! le basket aussi… Le lieu fut le théâtre d’un importante activité portuaire jusqu’à ce que l’embouchure de l’Aa s’ensable. C’est là que Dunkerque a ensuite pris le relais… Nous aborderons donc quelques aspects de Gravelines en focalisant comme il se doit les sites littoraux attachés à la commune : – la centrale nucléaire, lauréate des particularismes toutes catégories ; – et Petit Fort Philippe au couchant, quand même plus sympa que l’astrologie dans la Sambre…

La centrale nucléaire la plus…
C’est une centrale à six réacteurs,  l’une des deux plus grosses d’Europe. Elle détient le record de production énergétique au Monde jusqu’à ce jour… On peut d’ailleurs la compter dans le Top 5 mondial des plus grandes centrales depuis qu’une d’entre elles, plus puissante, est à l’arrêt au Japon. A28-160415CentraleGravelines2

La centrale de Gravelines ne devait compter que 4 réacteurs. Mais la destitution du Sha d’Iran a provoqué la dénonciation par Komeini d’un contrat de deux réacteurs destinés à ce pays . Comme quoi les temps changent… Quoiqu’il en soit, les deux orphelines ont été charitablement accueillies par Albert Deniers. Gravelines  est non seulement la plus grande centrale nucléaire de France,  mais est aussi bien seule à être installée sur un polder. C’est sur ce même polder qu’on eut à déplorer 1800 morts aux Pays-Bas et en Belgique, des suites d’une submersion marine en 1953… Sur quatre centrales sur des polders, trois sont d’ailleurs implantées sur le même…  D’où le dicton : « Point n’est besoin de tsunami pour avoir des soucis« .

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EDF  s’est senti contraint de remonter ses défenses de côtes. Elles culminent aujourd’hui à 9 mètres. Le Braek (voir article) est à 12m50, Arcelor est donc plus protégé que la centrale. Malgré cette défense, le risque de submersion ne peut peut pas être écarté. La centrale est en effet refroidie par l’eau de mer captée dans l’avant port de Dunkerque. La consommation d’eau de Gravelines correspond au débit de la Seine à Paris. Le canal d’amenée est au niveau de la mer, c’est donc un lieu par lequel l’intrusion marine peut se faire. La partie plus au Nord où sont les voies ferrées emmenant les déchets combustibles à la Hague ou au Tricastin serait également sujette au risque de submersion. Les batardeaux ne sont pas constamment mis en place et certains s’interrogent sur la suffisance du temps nécessaire pour les installer en cas de besoin. En cas de forte marée (coefficient supérieur à 110, il y en a plusieurs par an), les digues devraient suffire, sauf s’il y a conjonction d’un vent du large, d’une tempête et de la houle qu’elle déclenche.

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Derrière cette falaise de dune, une ferme aquacole de bars et dorades profite de la chaleur de la température de l’eau produite par la centrale.

La centrale se situe surtout au débouché de la vallée de l’Aa et au coeur d’un système d’évacuation des eaux intérieures à la mer (le système des wateringues). On évacue beaucoup moins d’eau en cas de marée particulièrement haute et à plus forte raison quand celle-ci est exacerbée par la houle. C’est donc à une invasion aquatique venue de l’intérieur qu’il faut aussi s’attendre. Une crue du Schelvliet, cours d’eau commandé par une écluse (plus de première jeunesse) qui, en cas de dysfonctionnement, provoquerait l’invasion des eaux de l’intérieur et comporterait un risque majeur qui aurait pour conséquence minimale d’isoler la centrale de son environnement et de rendre possible l’incident majeur par explosion ou fusion d’un coeur de réacteur (voir plus de détails). Tout cela est reconsidéré depuis Fukushima. La « Côte Maximale de Sécurité » a été recalculée et Gravelines n’est pas dans les clous. Et pour qu’elle le soit ça va coûter des sous… Le Long de la centrale s’étend une assez belle plage prisée pour l’activité nautique, la pêche en surfcasting, et le ramassage de vers pour cette même pêche.

Nous arrivons à Petit-Fort-Philippe

Ah ! Petit-Fort… … S’exclamait un ami journaliste quand il vit la photo ci dessus à la une que j’ai utilisée pour les réseaux sociaux. Il faut croire que la puissance évocatrice de ce lieu-dit emporté par la fantaisie d’un phare de carnaval, fermant la course lente de l’Aa, recèle de bons moments. A30-041013GrandFortPhilippe110

Petit-Fort-Philippe est un hameau de Gravelines datant du XIXème siècle. Son phare, doté de 116 marches domine depuis 1843 le niveau de la mer de 30 mètres. Tout blanc à l’origine, il fut repeint en 1924 car les marins peinaient à le distinguer. Il marque l’entrée du chenal de l’Aa canalisé permettant de joindre Gravelines, qui fut jadis un grand port desservant les marchands de draps de Saint-Omer jusqu’à son ensablement. La pêche à Islande et le commerce de denrées pour l’Angleterre furent peut-être, avec le bois nécessaire au chantier naval de Grand-Fort-Philippe, les dernières activités économiques nécessitant d’emprunter le chenal. L’Aa inspire encore l’économie au XXème siècle… C’est à Petit-Fort-Philippe qu’est lancée Delta FM ! Sur cette image de soirée tombant sur Petit-Fort (image non traitée), notre prochaine étape présentera cette fois Grand-Fort-Philippe…

Renseignements utiles :

– En venant de Dunkerque, la centrale nucléaire crée une autre rupture après le port ouest. Il faut contourner la centrale  pour parcourir la plage qui s’étend devant l’usine. On peut aussi y accéder à partir de Petit-Fort-Phiiippe. Compter alors une bonne heure aller-retour au moins, la « texture » du sable ne permettant pas toujours de progresser rapidement.

– Nous reviendrons sur certains détails de la centrale de Gravelines dans un dossier consacré aux centrales nucléaires de bord de mer.

Le long de la Digue du Braek

Une route désespérément droite, interminable, flanquée d’un large pan incliné vers la mer.  Et un phare à l’allure improbable, à l’image de la Flandre. Il marque le point final de ce long tracé. C’est le phare de Saint Pol, classé monument historique.  Et puis du monde, ou absolument personne, façon ambiance de la La mort aux trousses, version bord de mer. C’est la digue du Braek (brisoir, en flamand). Ce large rempart couvert d’un enrobé bitumineux de 6 km de longueur a été érigé là pour protéger les installations industrielles et le bassin minéralier (voir l’article précédent), creusé à 13 mètres de profondeur. Pour cela, 14 millions de mètres cube de sable ont été déplacés sur le site de l’usine afin de rehausser cette dernière à 9 mètres au dessus du niveau de la mer. Le complexe sidérurgique auquel la digue fait face depuis les années 60 sature l’atmosphère d’un bruit de fond permanent, parfois ponctué par celui des matières tantôt chargées dans les soutes des navires, tantôt déversées sur les quais. Le vent charrie parfois le parfum des brûlures. Une odeur de travail…  

Mais le soir venu…. Le Braek est  un lieu où la circulation est interdite… mais tolérée. Aux beaux jours les lieux sont même très fréquentés. La plage est très belle et surtout très pratique pour les familles et les camping-caristes souhaitant garder leur véhicule à portée de main. Hors saison, les pêcheurs en surfcasting y prennent leurs quartiers, en général en soirée. Et c’est sans aucun doute  au coucher du soleil que l’endroit a le plus de charme…

Ici, la pêche à la crevette se pratique à pied mais aussi avec le Manoot’che, un crevettier établi à Dunkerque.

Mais la pêche la plus courante, c’est incontestablement le surfcasting, ou « pêche dans la vague », pratiquée seul ou entre amis. Souvent, le Braek accueille des concours. Des cannes de plus de 4 mètres se retrouvent alignées. Le pêcheur doit alors scruter le mouvement des eaux à plusieurs dizaines de mètres ou avoir repéré les lieux avant que la mer monte. On cherchera la bâche , ce creux de sable où sont souvent les poissons, à moins que le bar, particulièrement recherché, ne soit provoqué au coeur des vagues, où il préfère chasser. A l’approche de la digue du Clipon désormais interdite d’accès à cause du terminal méthanier encore en construction et dont les cuves s’imposent à l’horizon, la nuit tombe sur les pêcheurs. Les prises s’annoncent belles, comme les couleurs.

Renseignements utiles : – Le pont de l’écluse Charles de Gaulle qui permettait de joindre la digue du Braek à partir de Dunkerque, en traversant le Risban ne fonctionne plus. Et il est peu probable qu’il soit réparé un jour… On ne peut donc plus passer, ce qui est extrêmement problématique pour les cyclistes et les piétons. Cette rupture récente oblige à contourner sur plusieurs kilomètres le bassin minéralier dans des conditions peu sécurisées, afin de joindre le Braek par Mardyck. – La zone du Braek est classée Natura 2000. Le site du port édite de passionnantes cartes de cette zone. – Et pour les nostalgiques des années 70, un petit film sur les loisirs pratiqués sur la digue !

Le bassin minéralier (port de Dk)

Les lieux côtiers que j’ai fréquentés dans ma jeunesse sont rares. On n’allait quasiment jamais à la mer. Mais celui-ci en fait partie. A l’occasion d’un voyage de classe, je quittai bassin minier du Pas-de-Calais pour aller visiter cette industrie saisissante qui s’appelait Usinor. Je ne crois pas avoir vu la mer ce jour là. Mais je me rappelle de sensations fortes et contrastées…
D’un côté, une attirance familière, presque irrépressible pour l’usine. Avec un père verrier et des friches industrielles comme principaux terrains de jeu et résidences secondaires on peut aimer l’usine, viscéralement. Et Usinor, ce n’était pas de la petite usine.
Et de l’autre côté, on ne peut échapper au sentiment d’oppression qui se fait sentir face à la démesure de l’élaboration de l’acier, en ce lieu sombre, sale, bruyant, imprégnant tous les sens d’une redoutable pesanteur.
Mais les vapeurs, les odeurs, les couleurs, les sonorités du crassier ne venaient pas à bout du trait de lumière immaculé du métal en fusion, canalisé par d’improbables dompteurs, totalement recouverts d’une intimidante cuirasse (qui aurait pu servir de tenue de pluie pour le bras droit de l’Empereur), et pourtant minuscules dans le décor.

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Que reste-t-il de ce temps qu’on prédisait déjà proche de la fin pour Usinor, devenu Sollac, puis Arcelor, avant d’être rachetée par le géant Mittal ?  Eh bien, à Dunkerque, il reste presque tout. Sur 14 sites sidérurgiques nordistes,  la région n’en garde qu’un « bord à quai ». Il doit entièrement sa survie à la mer et à la qualité du port qui assure sa desserte.
Nous contemplerons cet univers de l’extérieur. En déambulant le long du bassin minéralier.

Panorama sur les activité du port central

Le long des quais bordant  le « bassin minéralier » (selon l’ancien vocable) résident en fait plusieurs terminaux de vrac amené, via l’écluse Charles de Gaulle, par d’imposants bateaux, jusqu’à 14,20 mètres de tirant d’eau.
On y reçoit toutes les matières premières d’ArcelorMittal, mais aussi des céréales, des matières pétrochimiques et un vrac solide sous des formes multiples. On y expédie la chaux, le blé,  l’acier…
On voit aussi l’usine sidérurgique engloutir les matières et les rejeter…

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Environ 2 kilomètres de quai permettent d’accueillir plusieurs navires en simultané. La seule activité d’approvisionnement d’ArcelorMittal permet de disposer en même temps 5 navires à quai.

Cliquez (absolument) dès la première photo

L’activité pétrochimique connaît quant à elle un fort bouleversement depuis la fermeture de Total. En 2013, elle représente encore 3 millions de tonnes. Au Port Central, deux appontements lui sont pour l’heure consacrés.

Accompagnés par le Capitaine Pierre Trollé (cf. dossier 6), nous allons maintenant pénétrer dans une zone qui n’est pas libre d’accès pour approcher ces activités en bord quai. Le temps n’était pas de mise. Tant mieux. Il faudra peut être revenir un jour sous un soleil de plomb. Et l’atmosphère serait, soyons en certains, radicalement différente.

Les entrailles de la bête

Elle fume encore de toutes parts, l’usine sidérurgique de Dunkerque. Sur ce décor déjà en soi irréel, l’averse vient de tomber et le ciel reste chargé. L’atmosphère est aussi lourde que l’acier qui s’étend sur les quais.

L’usine de Dunkerque produit ainsi plus de 200 nuances d’acier différentes, principalement pour l’automobile, mais aussi pour l’emballage, l’électroménager, le mobilier… L’avenir de l’usine ne dépend pas seulement de sa situation maritime. Il tient aussi à la qualité de sa production.

Un bout de quai laissé en vrac…

Sur les mêmes quais, on  charge la chaux extraite des Carrières du Boulonnais et transportée par wagons. On y reçoit du sable de déneigement. Et toujours la ferraille et autre petit vrac industriel que des grosses pinces invitent à revenir souvent (air connu). Le tout représentent près de 3 millions de tonnes chaque année.

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Ambiance aux tonalités de fin du monde sur la plateforme petit vrac, en bout de quai. On y trouve pêle-mêle, en tas coke, laitiers ferraille et divers minéraux…

 Cliquer sur les photos.

Au bon coin des pigeons

Les céréales du Nord de la France sont dispersées dans le Monde entier…

 Cliquer sur les photos.

En tout, 330 000 tonnes de produits agricoles peuvent être stockés sur le port qui sera en mesure d’en expédier entre 1 et 2 millions de tonnes par an…

La nature quand-même…

Malgré des conditions très défavorables (activités humaines, présence de métaux lourds dans le bassin), une faune assez riche peuple les lieux.
Les pêcheurs apprécient les tacauds, flet, lieux, merlans et le bar qui y séjournent à la faveur d’eaux plus chaudes.
Fréquemment suivis par les ornithologues (tous les 10 jours !), le bassin minéralier est également bien utilisé par des espèces d’oiseaux pélagiques (qui vivent d’ordinaire assez loin au large). Ceci offre un moyen assez exceptionnel d’observation de cette faune pour le Nord-Pas-de-Calais.

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Des foulques macroule, ralidées qu’on rencontre plutôt en eau douce, s’effraient à l’approche.

Par l’écluse Charles de Gaulle, certains mammifères marins parviennent pendant un temps à s’y faufiler. Ainsi peut-on observer phoques et marsouins, avec un peu de patience et d’attention.

Le tout dans un lieu improbable. La nature, donc surtout.

Nous terminons notre excursion autour du bassin minéralier du port de Dunkerque par une nuit de pleine lune de septembre !

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Après le Port Est et avant d’aborder le Port Ouest, je vous propose de faire un break  (celle-là elle est facile !), pour une soirée de pêche agréable.

Prochain article : la Digue du Braek.

 Renseignements utiles

– Le bassin minéralier n’est gagnable qu’à partir de la digue du Break. Les quais ne sont pas accessibles sans autorisation (poste de garde). Pour aller sur la digue du Break, il faut désormais passer par Mardyck. Le pont Charles de Gaulle à Partir de Dunkerque reste toujours levé.
– Pour en savoir plus sur ArcelorMittal : des pages françaises sur le site de Dunkerque
– Un excellent site illustré sur la sidérurgie de Dunkerque, du nord de la France et d’ailleurs
– Et pour terminer, le non moins excellent rapport d’activité « Dunkerque 2014 » dont la plupart des chiffres de cet article sont tirés.

Les officiers de port

A22-190115CapitainerieDK44 Ils sont en capitainerie ou comme ici en vigie. Ce sont les officiers de port, chorégraphes du ballet des navires au Grand Port de Dunkerque, . Et ils nous ouvrent leur porte… Et c’est le Dossier 6 (cliquer ici pour le consulter). Bonne lecture !

Et si le dossier vous plaît, pensez à la partager à l’aide des outils figurant en fin de dossier…

Dunkerque – le port industriel, Bassin Freycinet

Quelques activités disséminées sur des quais démesurés… Même les plus gros cargos « nagent dans le costume », Bassin Freycinet.
L’activité fébrile n’y est plus, mais… Le port de Dunkerque est encore pour le curieux un port industriel « à vivre ».
Une fois que nous quittons le Môle 1 reconquis par la ville (cf. la fin du précédent article), voici en effet les premiers remorqueurs,  les cargos et leurs matières sur les quais. Fait rare : ici, nous pouvons approcher certains grand bateaux.  Ailleurs, les quais sont souvent interdits d’accès, au point parfois d’occulter la vue sur la vie portuaire, jusqu’aux plus imposants bateaux… Les nouveaux enjeux portuaires de Dunkerque sont désormais placés hors la ville, Port Ouest. Et ceci explique certainement la tolérance des badauds quasiment partout sur les quais. C’est une grande chance dont nous allons profiter !

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Nous longeons le Bassin Freycinet, du nom d’un ministre qui en ordonna la mise en chantier dans la seconde moitié du XIXème siècle à la demande d’un industriel et sénateur dunkerquois, Jean-Baptiste Trystram. Du temps de l’Empire, Napoléon avait tout misé sur Anvers… Et puis l’Empire a perdu Anvers. Avec cette réalisation complétée d’écluses, de darses et autres formes de radoub,  Dunkerque n’est résolument plus un port d’échouage, mais un grand port doté d’un immense bassin à flot disposant de plusieurs kilomètres de quais, grâce aux môles délimitant les darses. Les bâtiments, grues et autres gros équipements suivent et Dunkerque devient grâce au bassin le troisième port industriel français juste avant l’entrée dans le XXème siècle… Position qu’il a gardée jusqu’à ce jour. Aujourd’hui, on parle du Port Est pour dénommer ce bassin accessible par les écluses Watier, Trystram et Charles de Gaulle. Diverses marchandises y transitent à partir de terminaux plus ou moins spécialisés, consacrés essentiellement au vrac liquide ou solide, au sucre en sac, à l’expédition de ciment. Sans oublier la réparation navale.

Du vrac

Les quais de Bassin Freycinet accueillent toutes sortes de marchandises dites conventionnelles. Des colis lourds y transitent tels que les mats d’éoliennes. Des activités plus anciennes, il reste encore un terminal sucrier. Le vin, le tabac, mais aussi la laine qui y transitaient encore au milieu du siècle dernier, c’est désormais terminé.

De la réparation navale

Les chantiers navals sont fermés (cf précédent article). Mais le port accueille encore de nombreux navires et des plus grands pour réparation ou simple escale technique. Aux anciennes cales de radoub se sont ajoutés d’importants docks flottants capables de mettre en cale sèche des bateaux imposants….

De la chimie

Du point de vue portuaire, cette activité compte parmi le vrac liquide. En venant de l’est, tout au fond du bassin Freycinet, des concessions pour l’activité pétrochimique ferment l’accès de celui-ci vers le l’ouest, sécurité oblige. C’est alors au nord, en revenant sur ses pas, par l’écluse Charles de Gaulle,  que l’on pourra accéder (quand le pont veut bien descendre) à un autre bassin, qu’on appelle souvent Bassin Minéralier, mais qui dessert aussi un autre terminal pétrochimique (voir le prochain article, le long de la Digue du Break).

Et de l’attente aussi

Ces deux superbes navires admirablement proportionnés, par exemple, sont des bateaux d’observation scientifique en quête d’acheteur(s). Les quais du Bassin Freycinet c’est un peu la salle des pas perdus des grands bateaux en errance, bien que ces derniers n’ont pas plus de jambes que les petits. Pour cette catégorie de navire, même si la comptine ne le dit  pas, c’est pareil.

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Un air de nonchalance et de désuétude règne ici. La disproportion entre la longueur des quais et leur fréquentation actuelle en est la principale cause. la prégnance des bateaux venus là parce qu’ils avaient justement besoin d’un lifting est est sans doute aussi une autre. Au Port de Dunkerque il y a encore de quoi faire. Environ 3000 hectares sont disponibles pour implanter de nouvelles activités. Et n’oublions pas que nous n’avons abordé ici qu’une partie du port industriel.
Un deuxième monde portuaire va bientôt nous ouvrir ses portes, celui qu’on appelle le Port Centre ou bassin minéralier, le long la Digue du Break.

Renseignements utiles :
– Comme indiqué dans l’article, en flânant d’un môle à l’autre,  on peut approcher dans certains cas les bateaux (sauf pour les apontements pétrochimiques et le secteur de la réparation navale) Le tour du bassin est quand même long et complexe sans plan. Mieux vaut s’en trouver un. Si l’on a des jumelles, il est bon de les prendre. Les axes desservant les môles sont fréquentés. Rester prudent.
– Passage obligé sur l’intéressant site web du Port de Dunkerque. On y trouve non seulement d’appréciables renseignements sur l’activité du port, mais aussi une divertissante visite virtuelle, ou encore, la liste des bateaux à l’approche, à quai, sur le départ (avec leur destination)… C’est en rubrique « Activités commerciales ». Le téléchargement du dernier rapport d’activité (pas si difficile à lire) est aussi possible. Sur la même page, le plan du port.
– Pour connaître les bateaux  mouillant dans le Port, consulter cette carte. En dézoomant, on se rend compte en temps réel de l’importance du trafic dans le détroit. On peut cliquer sur tous les bateaux. Assez addictif.
– Il est aussi possible de localiser les grands navires sur les mers du Globe en temps réel grâce à ce site. Adorable. Il faut juste connaître des noms de navires.

 

 

Qu’est-ce qu’elle a ma Goele ?

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Quoi ! La Goele ? C’est juste un bateau ancien qui a une gueule formidable, choyée par une personne à l’image de son bateau ! Et c’est aussi une merveilleuse occasion d’évoquer les bateaux du patrimoine…

Consultez le dossier 5 : la Goele, bateau d’intérêt patrimonial, 

Dunkerque – la reconquête de l’est

Voir également le dossier associé– Bateau d’intérêt patrimonial (BIP), avec La Goele – Dossier 5

Après une série de dossiers thématiques, nous reprenons la marche où nous l’avions laissée…
Nous voici donc arrivés dans la cité de Jean Bart. Nous l’étions en fait déjà depuis Malo.
J’ai parcouru le quartier est, qui est en fait le centre ville en trois petits séjours très rapprochés. Trois parties de cache-cache avec la lumière… Ces trois temps à l’atmosphère homogène, paisible et mélancolique, m’ont offert l’imprégnation d’un lieu terrestre à nouveau concilié avec l’élément marin. Il y a si peu de temps encore, les lieux devaient être marqués par la frénésie laborieuse et bruyante du chantier naval et d’entrepôts de marchandises diversement odorantes. La mer était avant tout un support de travail. Un support, du reste, capricieux et attirant comme un aimant toutes sortes d’activités dont on cherchait à se préserver. Les aménageurs se sont rapidement penchés sur la béance laissée par leur disparition assez précipitée. Et cela donne le résultat d’aujourd’hui : un secteur portuaire progressivement réintégré à la ville, sans toutefois exclure toute l’activité économique gardant la mer comme support. Une sorte de nonchalance, à la danoise, dirais-je,  habite ainsi peu à peu les quais jusqu’au port autonome. Le calme avant la tempête ?… Ici, la mer sait encore être menaçante. Des quartiers de Dunkerque ont connu la submersion marine au milieu du siècle dernier. Une digue, récemment protégée à grand frais pour avoir été malmenée l’hiver dernier, protège l’arrière pays. Espérons-la solide.

Dunkerque, de port en port

L’ « Eglise dans les dunes » – traduction du flamand « duin kerke » – est le nom que porte la ville depuis plus d’un millénaire. Elle fut toutefois pendant un temps nommée « Dune libre » à la Révolution…
Le port le plus septentrional de la métropole, n’était à la fin de notre premier millénaire qu’un petit bourg de pêcheurs luttant inlassablement contre l’eau d’où qu’elle vienne. On pense bien sûr à la submersion marine. Mais l’arrière-pays dunkerquois n’offre pas de pente propice à un bon écoulement de l’eau. Aussi, les Hommes ont d’abord du avoir raison de l’ingratitude des lieux par d’importantes infrastructures d’assèchement et de drainage, désormais poursuivi par ce qu’on appelle les « Wateringue ». Un travail inimaginable quand on pense qu’il fut réalisé sans les moyens d’aujourd’hui…

C’est justement à l’est de la ville en venant de Malo que l’exutoire de toute cette eau se jette dans le chenal. Et c’est là aussi que les risques de gros pépins se trouvent aussi…

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Dunkerque doit sa prospérité passée à une situation idéale entre l’Angleterre, grand fournisseur de laine et Saint-Omer, haut lieu de confection de draperies au Moyen-Âge relié au port par cours d’eau et canaux. L’ensablement de l’estuaire de l’Aa à Grand-Fort Philippe, un premier temps choisi pour ce commerce, y a été également pour quelque chose…De port principalement consacré à la reception-expédition de toutes boissons alcoolisées  – il fallait bien expliquer la persistance de certaines manifestations par l’Histoire ! – Dunkerque est ainsi devenu un important port de commerce textile, avant de devenir tout à tour port emblématique de corsaires puis de la pêche au hareng et enfin, le port industriel que l’on connaît, tiré notamment par bon nombre d’usines SEVESO installées dans toute l’agglomération. Le chantier de construction navale fut une des activités industrielles majeures du port.

Du chantier naval à la reconquête du cadre de vie

La guerre et l’industrie laissent de profonds stigmates pendant tout le XXème siècle. Mais à l’heure des crises et des friches d’avant 2000, la ville finit par se renouveler sur elle-même à la faveur de grands projets urbains. Le Master plan de  Dunkerque décliné par le projet Neptune, cherche à ne plus séparer l’emprise urbaine des espaces associés à la mer que sont les différents bassins du centre-ville. Nous en avons une manifestation sur l’ancien site du chantier naval.
L’activité de chantier naval s’est éteinte dans les années 80, renvoyant 2500 travailleurs au mieux dans les usines proches. Quelques années plus tard, le projet Neptune est lancé sur 43 hectares des friches laissées par la Normed qui a succédé aux ACF (Ateliers et Chantiers de France). Le nouveau projet du Grand Large prévoit la construction de 1000 logements, avec pôle de culture et de loisirs en lieu et place d’une industrie qui fabriqua là 300 navires en moins de 100 ans…

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La page des chantiers navals est tournée par la quasi démolition de l’ensemble industriel qu’il a formé.  Neptune est le Dieu des océans. Malgré l’éloignement vers l’ouest de l’activité portuaire, sous les auspices de Neptune, Dunkerque gage de rester résolument tourné vers la mer. Et le mariage entre habitat, culture, loisirs et pêche semble bien fonctionner.

Les Bassins du Commerce et de la marine, entre plaisance et patrimoine

En poursuivant vers l’ouest, nous arrivons au coeur de Dunkerque, face au quartier de la Citadelle. Ce sont les quais les plus fréquentés des visiteurs.  C’est ici que la reconquête urbaine a commencé. Le lien avec l’histoire est assuré par le musée du patrimoine maritime.  Celui entre l’espace maritime et l’espace urbain est  efficacement rempli par l’imposant Hôtel de Communauté, sorte de pont entre le port et la ville, qui fait penser à certaines constructions médiévales réalisées sur des ponts. Ajoutons quelques bateaux anciens pour la plupart visitables, des bateaux de plaisance et de nouveaux commerces, le tout dominé par la vénérable Tour du Leughenaer. Dans ce secteur, la mue est terminée et les plaies du déclin pansées par de nouveaux usages tous voués à la qualité de la vie.

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Le quartier de la Citadelle : nouvelle emprise d’une ville sur ses bassins

Le trident de Neptune vient enjamber de ses trois ponts un quartier historique doté d’activités portuaires résiduelles. Derrières les bâtiments entourant les bassins du Commerce et de la Marine, d’autres activités tertaires se sont déployées. L’université du littoral est la plus importante d’entre elles. En remontant plus au Nord en direction du phare, on retrouvera une activité économique plutôt centrée sur la plaisance et la réparation navale, quelques entrepôts et des écluses fréquentées par des navires assez impressionnants passant là comme le feraient des péniches….

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Le Môle 1 : nouvelle emprise urbaine sur les bassins

Nous atteignons maintenant le Bassin Freycinet, aménagé il y a plus d’un siècle pour préparer le port à répondre aux aspirations industrielles des entrepreneurs du littoral. On rencontre peut-être ici les efforts persévérants d’une ville encore en lutte pour un avenir enfin soutenable quoique celui-ci soit paradoxalement rendu incertain par la crise économique occidentale dont Dunkerque paie le tribut depuis un quart de siècle. En attendant que l’ancienne Halle aux sucres se dévête d’un imposant corset de chantier pour devenir le learning center dédié aux villes durables auquel l’ancien entrepôt semble destiné, les traces de l’activité passée du Môle 1 sont encore très présentes. On les croirait presque bénéficier du sursis d’actions artistiques et culturelles éphémères qui les réhabilite un temps, d’une certaine manière, en les prenant comme supports. Pénétrer sur le Môle 1, c’est  d’ailleurs un peu comme si l’on approchait du repaire d’un gros animal. Les lieux sont jalonnés d’indiscutables indices que celui-ci évolue là, tout près. Les formes d’expression murale se veulent en effet plus denses à la mesure que la colonie humaine entend remettre l’humanité au coeur d’un no man’s land d’asphalte, de brique et de béton. Fructôse soutient la jeune création artistique et son repaire se tient là, Môle 1. C’est une belle occasion de fréquenter le Môle et ses bâtiments, tels qu’ils s’offrent encore à la compréhension et à la mémoire de tous.

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Dans ce gigantesque travail de reconquête urbaine, les aménageurs semblent avoir choisi d’effacer les traces du passé industriel du port du centre-ville. Certains diront que si le port était resté à la même place, l’adaptation aux exigences de modernisation des infrastructures qui en aurait découlé aurait conduit au même résultat. De plus, à l’instar de certains autres ports, les dispositions de sécurité partout mis en vigueur depuis les attentats de 2001 auraient accentué la rupture entre la ville et le port. C’est peut-être au Môle 1 que se provoquera l’amalgame de la mémoire, indispensable pour construire l’avenir, et de la reconquête progressive des bassins par la ville. Nous sommes juste à la frontière de ce qu’il reste de l’activité du port commercial dans la ville. Frontière que nous allons prochainement passer ! En attendant, à Dunkerque, le plus bel hommage vivant à la mémoire est peut-être finalement donné par la conservation de 6 navires remarquables auxquels s’ajoute, entre autres, la Goele. Peut-être est-ce là qu’il faut poursuivre les efforts de l’agglomération pour donner corps à l’Histoire…

Renseignements utiles :

– Compter au moins trois heures en extérieur pour découvrir le port est, sans compter les musées, donc. Nombreux commerces et lieux de restauration ou ravitaillement à proximité. Un plan s’avère nécessaires si l’on ne veut pas perdre de temps à s’égarer où si l’on ne veut pas se fatiguer les jambes à chercher les passage d’un quai à l’autre… Se perdre n’est toutefois pas dans tous les cas une mauvaise option.
– Sur les technologies de lutte contre la submersion marine en Flandre, liée au Canal Exutoire
– Sur le projet urbain Neptune et le Masterplan de Dunkerque, quelques vues et cartes du projet
– Sur Dunkerque Grand Large